17 juillet 2015

Plus ça change...

Rupture de l'oléoduc 6B, Michigan 2010


Jamais deux sans trois. Ainsi va le fameux dicton. 

Dans le cas des déversements pétroliers survenus au cours des dernières années, voire les derniers mois, on serait presque en droit de changer l'adage! Le cas récent du déversement de pétrole lourd près de Fort McMurray en Alberta ne fait que s’ajouter à ceux qui se sont produits dans les dernières années.

On nous dira que des incidents d’une telle ampleur ne sont pas coutume. Mieux encore, on cherchera à nous rassurer en disant que le transport d’hydrocarbures par oléoduc est le plus sécuritaire de tous. Certes, il est vrai que les déversements extraordinaires, comme celui dont nous venons d’être témoins, ne sont pas la norme.

Néanmoins, les plus récentes données canadiennes indiquent qu'entre 2004 et 2013, pas moins de 19 déversements majeurs d'au moins un million de litres (6 300 barils) de pétrole ont eu lieu au pays en provenant d'oléoducs. À cela s'ajoutent près de 950 déversements de plus petite envergure. En fait, ces données nous révèlent que le nombre d'incidents liés au transport d'hydrocarbures par oléoducs n'a cessé d'augmenter durant la même période. 



Figure 1. Nombre d’incidents liés au transport d’hydrocarbures par oléoducs au Canada entre 2004 et 2013. Source www.tsb.gc.ca/fra/stats/pipeline/2013/sspo-2013.asp

Quelques chiffres

Outre la question du type de moyen de transport d’hydrocarbures, si on s’attarde à quelques exemples récents de déversements de pétrole qui se sont produits au cours des dernières années, voici le portrait robot qui nous est permis de constater :

 26 juillet 2010 : la rupture de la ligne 6B d’Enbridge provoque la fuite plus de 3 millions de litres (20 000 barils) de pétrole bitumineux dans la rivière Kalamazoo, au Michigan


6 Juillet 2013 : le tragique incident de Lac-Mégantic a non seulement coûté la vie à 47 âmes, mais a également laissé échappé près de 6 million de litres (38 000 barils) de pétrole brut.


 8 avril 2015 : Le MV Marathassa déverse du combustible de soute dans la baie desAnglais, à Vancouver suite  à un incident. Environ 2700 litres (17 barils) de carburant sont rapportés avoir été déversés dans les eaux.

- 19 mai 2015 : Un déversement de 383 000litres (2400 barils) « pétrole brut lourd transporté par les installations de production extracotières » survient près des côtes de Santa Barbara, Californie. La marée noire s’étend sur près de 32km de côtes.

15 juillet 2015 : 5 millions de litres (31 000 barils) d'un mélange de bitume, de sableet d'eaux usées sont déversés près de Fort McMurray, Alberta, suite à une fuite d'un oléoduc appartenant à l'entreprise Nexen.

Fil conducteur?

En y regardant de plus près, un triste constat s’offre à nous et sert de dénominateur commun à ces évènements: dans la plupart des cas, les incidents et/ou leur ampleur sont le résultat d’une défaillance des mesures de surveillance et/ou d'urgence devant assurer la « sécurité » des installations, de l’environnement et des communautés.

Tel est le cas pour l’indicent de Kalamazoo, où l’alarme qui permettait de détecter les fuites a été ignorée et l’oléoduc remis sous pression 2 fois plutôt qu’une! À Terrebonne, la compagnie responsable n’a même pas avisé les autorités municipales du déversement. À Sept-Îles, la compagnie Cliffs Natural Resources a vu sa gestion des évènements remise en question et un rapport d’enquête du MDDELCC a conclu que les procédures de la compagnie étaient en contravention avec la Loi sur la qualité de l'environnement. Il aura fallu plus de 12 heures avant que la ville de Vancouver ne soit avisée du déversement par les autorités fédérales lors de l’indicent à la Baie des Anglais. À Santa Barbara, l’existence de la marée noire n’a pas été détectée par l'équipement de surveillance, mais plutôt de plaintes d'une odeur nauséabonde près de Refugio State Beach. Enfin, l’évènement de Fort McMurray semble indiquer que le système de détection de fuite n'a pas été déclenché…

Apprentissage à la dure?

Soit! Malgré le déversement de pétrole survenu à Fort McMurray, nous n’aurons pas fini d’entendre la cassette affirmant que les oléoducs sont plus sécuritaires que tout autres moyens de transport d’hydrocarbures. Pourtant, il n'en demeure pas moins que ceux-ci sont responsables de plusieurs incidents, année après années (Figure 1).

En réalité, la véritable question n'est pas de savoir quel type de moyen de transport est le plus sécuritaire, mais plutôt de savoir si nous sommes enfin prêts à véritablement réduire notre dépendance aux énergies fossiles, et ce, à tous les niveaux – domestique, sociétal et économique? Sommes-nous prêt de nous affranchir sérieusement et graduellement des énergies fossiles afin de migrer vers l'efficacité énergétique et l'utilisation accrue d'énergies renouvelables?

Exit la rhétorique simpliste voulant que cette transition ne puisse se faire du jour au lendemain! Cela fait déjà plus de 15ans qu’on nous l’a sert, et nous avons suffisamment de cordes à notre arc pour emboîter le pas vers un futur sobre en carbone.

Combien de cas extrêmes de déversements nous faudra-t-il encore pour nous en convaincre?

Devrons-nous apprendre à la dure?

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